jeudi 4 juin 2015

Les yeux qui traînent…

En se promenant dans Sarlat, regardez tout, regardez partout, le moindre bout de mur peut vous conter une histoire, silencieuse souvent, ce qui vous laisse toute liberté pour l’inventer !

Je pense notamment aux pierres de remplois, ces pierres utilisées une première fois pour un usage particulier et réutilisées, parfois très longtemps après, pour un autre usage, soit parce qu’on en a besoin, soit parce qu’on ne sait plus d’où elles viennent, soit parce qu’on ne connaît plus leur signification, soit enfin par indifférence.

J’en ai trouvé quelques-unes, mais il en existe sûrement beaucoup d’autres qui attendent le regard acéré d’un curieux de passage.

Petit tour en ville :

Les pierres du cloître (XIIe siècle) sont évidentes, réutilisées dans le même mur pour construire le chapitre au XVe s.



Cette croix occitane dans le mur du jardin de la Lanterne des Morts vient sans doute d’un enfeu situé quelques mètres plus bas.




Quant au joli cœur qu’on découvre dans une petite rue de la partie ouest de la ville, il encourage à la rêverie et à l’imagination. Quelqu’un, je ne sais plus qui, m’a dit que c’est le cœur du jeu de carte et qu’il servait d’enseigne à un tripot, hypothèse étayée par la présence d’un pique qu’on reamrque, une fois dégagée la végétation qui le cachait.

 



La cathédrale elle-même en montre quelques-unes de ces pierres : Sur la façade, éparpillées mais si ressemblantes qu’elles ne peuvent provenir que du même lieu, ces quelques remplois agrémentent un mur trop banal pour être ancien.  Quant à la culée du premier arc-boutant nord, elle reçoit l’arc lui-même sur une base formée de quatre pierres de remplois provenant sans doute d’une chapelle Saint-Jean construite sur le bas de la rue Montaigne d’aujourd’hui qui explique la largeur de l’endroit. 

Pour agrémenter la façade ?
Éparpillées sur un grand mur banal.


Sic transit gloria mundi… Restes de chapelle...

Mais c’est dans un mur qui ne paie pas de mine, qu’on pourrait croire récent, que se remarquent, si l’on sait regarder, les remplois les plus impressionnants. Retournez dans la cour du cloître et tournez le dos au Chapitre. examinez soigneusement le mur devant vous en prenant l’air étonné qu’affichait le couple qui m’a vu prendre en photo des portions de ce mur et qui se demandait bien le pourquoi de l’entreprise ! Vous ne manquerez pas de remarquer des pierres aux contours étranges, fûts de colonne ou de pilastre, placées en boutisses, c’est-à-dire perpendiculairement au plan du mur, et qui, de l’autre côté, doivent s’enfoncer sous la terre du jardin surélevé par rapport à la cour.



détail















Pour finir, la reine des pierres de remploi, l’unique, la précieuse, l’incroyable, la pierre venue de la nuit des temps néolithiques, la plus ancienne pierre sarladaise travaillée par la main de l’homme, mesdames et messieurs : le polissoir !




Utilisé il y a quelques milliers d’années (4, 5, 6 000 ans ou plus ?) et remployé au XVIIe siècle pour fournir un appui à l’allège d’une fenêtre de la chapelle Saint-Benoît (XIIe s.), dite des Pénitents bleus, il atteste, d'une part, de l’occupation ancienne du lieu où coulait en abondance l’eau nécessaire au polissage et, d'autre part, de l’ingéniosité des maçons du XVIIe qui n’eurent pas envie de consacrer des heures à aplanir une pierre alors qu’en bouchant, probablement au mortier, ces curieuses traces allongées, l’appui était tout fait ! Le mortier étant plus fragile que le calcaire, la tricherie maçonne réapparut très vite au grand jour.

Combien sont-elles ces pierres travaillées avec talent puis rejetées, méprisées ou brisées, cachées dans l'épaisseur des murs construits sur et avec les ruines de bâtiments précédants ?…

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